En cette période où les dossards et les sas de départ se font toujours rares, Strava et Distance lancent les Segments Series, une invitation pour les runners aux quatre coins de l’hexagone à décrocher leur meilleur chrono sur 12 segments répartis en France jusqu’au 7 février. En guise de première foulée, ne manquez pas notre série d’interviews mettant en lumière quelques-uns des athlètes les plus prometteurs de la nouvelle génération française. Nous avons partagé une journée avec eux pour nous faire une idée des efforts et sacrifices qu’ils fournissent au quotidien, pour comprendre leur état d’esprit après une année sans précédent, pour connaître leurs motivations et les rêves qu’ils nourrissent. C’était évidemment l’occasion de nous entraîner sur leur terrain de jeu favori avec un segment qui leur ressemble, selon leurs forces, leur spécialité ou leurs traits de caractère. Vous aurez donc la possibilité de vous mesurer à l’avenir de l’athlétisme français.

Embarquez pour un segment de vie de Léna Kandissounon, raconté par l’équipe Distance et photographié par Anne-Sophie Soudoplatoff.

LÉNA KANDISSOUNON
21 ans
Segment favori : 300m Maréchal Juin
7x championne de France 400m-800m
Aulnay sous Bois, France

Salut Léna, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Léna Kandissounon, j’ai 21 ans, je fais du 800m et du 400m, je suis licenciée au Haute-Bretagne Athlétisme à Rennes.

Comment vas-tu et où en es-tu dans cette saison si particulière ?
Ça va ! Je viens de courir les championnats de France ce week-end (espoir et elite à Albi), je suis désormais en coupure et je reprendrai l’entraînement dans deux semaines. Je gagne en espoir et je fais troisième en élite sur 800m, je voulais gagner et faire podium donc c’est OK !

Comment est-ce que l’athlétisme est entré dans ta vie ?
J’ai toujours voulu faire de l’athlétisme quand j’étais petite, je ne sais pas pourquoi parce que personne ne faisait de sport chez moi et je suis la grande donc je n’avais ni de frère ni de sœur qui faisaient du sport, ni de cousin, cousine. Je voulais vraiment faire de l’athlétisme mais j’étais trop jeune donc on m’a dirigée vers du multisport, que j’ai pratiqué jusqu’à 10 ans, j’ai fait tous les sports, chaque mercredi ça changeait mais je suis revenu à l’athlé parce que je voulais toujours faire de l’athlé, je courais vite, la gym j’avais un peu de mal et l’athlé ça se passait bien donc j’avais envie de m’y mettre à 100%. J’ai commencé à Aulnay en CM2, catégorie poussine 2, j’ai fait 11 ou 12 ans licenciée à Aulnay. Cette année sera ma première chez Haute-Bretagne Athlétisme.

Quelles sont tes qualités et tes faiblesses ? Comment as-tu choisi ta spécialité ?
Je vais commencer par mes qualités : je suis rapide pour une coureuse de 800, je pense que je suis une des coureuses de 800 les plus rapides de France, du coup niveau endurance je suis un peu moins forte que les autres filles. Je pense que si je cours un 1500 contre les autres coureuses de 8, je vais me faire larguer. C’est vraiment un domaine que je dois travailler. Je manque un peu de puissance parce que je suis une tige donc ça pourrait être encore mieux. Je faisais du 1000 en minime et des épreuves combinées. Un jour j’ai couru un 400 et ça c’est super bien passé donc je suis plutôt allé vers le 200, 400 et 800. Il y a quelques années, en espoir 1, ça se passait plus très bien sur 400, j’étais très forte quand j’étais cadette et junior, j’ai fait des sélections en équipe de France sur 400 et puis en espoir je me suis pris un mur. J’ai fait un 800 pour voir, j’ai couru les France juste après et je gagne, donc je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. Je voulais retarder le plus possible mon arrivée sur 800 parce que c’est bien de bosser la vitesse quand on est jeune donc ça fait vraiment un an, un an et demi que je suis spécialiste du 800.

On a parlé de tes qualités physiques, as-tu également des qualités mentales à mettre en avant ?
J’ai un gros défaut mental c’est que je « surpense », je pense beaucoup et j’intellectualise vraiment la performance alors qu’il suffit souvent simplement de débrancher le cerveau et y aller. Pour parler de qualité, à l’entraînement je me donne vraiment à 110%, je ne me mets pas de barrière mentale, je ne me dis pas que je ne peux pas y arriver, j’y vais à fond.

À quel moment as-tu réalisé que tu avais un potentiel, que tu sortais du lot ?
Sur 400 c’était en cadette 2, je fais championne de France et je me dis qu’il y a peut-être quelque chose à faire. Sur 800, en espoir 1 quand je gagne aussi les France alors que je ne m’y attendais pas du tout, ça m’a fait un petit déclic. Je m’étais qualifiée en séries et en finale mais je ne me disais pas que je pouvais gagner, j’étais vraiment là pour kiffer. J’étais déjà contente d’être en finale car je n’avais couru qu’un 800 dans ma saison donc j’étais un peu là en touriste et ça s’est bien passé. Cette année avec les championnats de France et mon chrono de 2’02 à Marseille, je me dis que j’ai vraiment passé un cap, il y a vraiment des choses à faire comme aller chercher des résultats en senior. Je réalise encore.

Qui sont les gens les plus importants qui t’accompagnent aujourd’hui dans ta progression ?
Ma mère ! Elle est super chiante mais je l’adore. Plus sérieusement elle est là sur plein de compétitions, elle s’est déjà déplacée jusqu’en Pologne pour venir me voir courir. Elle n’a aucune notion en sport et ne vient pas de l’athlétisme mais elle est très présente. Après il y a mon coach, un peu comme tous les athlètes, il s’appelle Marc Reuzé, ça fait seulement un an que je travaille avec lui et nous travaillons bien, il y a eu des performances tout de suite. Après je pense aux kinés, médecins, les copains d’entraînement, c’est vraiment important. C’est la première fois que je suis dans un vrai groupe avec des filles fortes et c’est vraiment trop cool, il y a vraiment une bonne dynamique.

Quelles sont les valeurs nécessaires pour être une athlète épanouie ?
Pour être une athlète épanouie il faut aimer ce que l’on fait. Il y a pas mal d’athlètes qui n’aiment pas leur quotidien, qui se forcent pour papa/maman ou pour se prouver des choses à eux-mêmes. Je ne suis pas sûre qu’on perf vraiment comme ça ou même qu’on se sente bien. Pour vraiment perfer il faut être bien dans ses baskets, c’est important. L’équilibre, c’est vital, j’ai trouvé le mien grâce à Science Po. Je pense que c’est important d’avoir des choses à côté et de ne pas être que focus 100% sport sinon on devient complètement cinglé. Il faut avoir des activités à côté, que ce soit culturel ou scolaire.

Qu’as-tu appris grâce à ton sport et comment t’a t-il fait grandir ?
L’athlétisme déjà c’est une grande famille, j’ai rencontré plein de gens trop sympas, j’en suis très heureuse. Je ne m’en rends pas trop compte, mais cela fait déjà 10 ans que je suis dans ce milieu. Souvent, les gens me disent qu’ils trouvent les athlètes plus déterminés que les autres personnes, dotés d’une abnégation que tout le monde n’a pas. Je pense que ça m’a apporté tout ça.

En parlant d’abnégation, tu t’entraînes combien de fois par semaine ?
Je suis à peu près à 10 entraînements par semaine. Le minimum c’est 2 séances de muscu, 1 séance de sprint et 2 séances spé sur piste. Le lundi et le jeudi je double avec un footing.

En quoi ton environnement est-il idéal pour t’entrainer ?
J’habite en Bretagne donc on pourrait se dire que ce n’est pas forcément idéal. J’ai passé un an à Los Angeles où c’était vraiment le bonheur parce qu’il faisait plus de 20 degrés tout le temps, j’étais en brassière et short toute l’année, et j’étais sur un campus où il y avait vraiment tout. Mais finalement, Rennes ce n’est pas si mal, c’est une petite ville donc tout est à distance raisonnable en vélo. Les transports en commun sont vraiment super, j’ai accès à une halle avec un anneau de 200 mètres ; j’ai une carte donc je peux y accéder quand je veux. Il y a une salle de muscu, mon kiné n’est pas très loin, j’ai vraiment tout qui est réuni et je pense que c’est important pour perfer. Cette année je tente de faire Science Po à Paris, ce n’est qu’à 1h30 donc je pense que c’est jouable !

Jusqu’où voudrais-tu aller ? Quelles sont les compétitions qui te font rêver ? Le titre que tu voudrais avoir à ton palmarès ?
J’aimerais aller le plus loin possible, le plus longtemps possible surtout, jusqu’à plus de 30 ans. Cet été aux élites, les deux nanas qui sont devant moi ont plus de 30 ans, j’aimerais bien faire comme elles. Je suis née en 1998, en 2024 j’aurais 26 ans pour les Jeux Olympiques, je suis banlieusarde, j’ai grandi à Aulnay-sous-Bois dans le 93, le 800 ce sera au Stade de France à Saint-Denis, à 3 stations de RER de chez moi, à la maison quoi, vraiment à la maison, donc ce sera vraiment mon objectif. Le titre qui me fait rêver, je pense que c’est comme tout le monde, c’est le titre olympique. Championne olympique ça me ferait vraiment kiffer, ça me fait rêver.

Quelle est ta séance préférée et l’endroit où tu préfères t’entrainer ?
Les séances sur piste, je déteste la muscu ! Ma spé préférée ? J’aime bien toutes les séances à allure 800, avec des distances assez longues quand même, 400 ou 500 mètres à l’allure et puis finir avec des 200 un peu plus rapides avec peu de récup entre. J’aime vraiment ce type de séances bien intenses.

Peux-tu nous parler du segment que tu as choisi, qu’a-t-il de particulier et en quoi te représente-t-il bien ?
C’est un segment de 300 mètres en pleine ville d’Aulnay-sous-Bois, bétonné, c’est un grand trottoir avec une piste cyclable dessinée sur une partie. C’est une avenue où il n’y a pas d’habitations, c’est d’un côté le stade et de l’autre côté le collège et le lycée donc c’est assez calme et bordé d’arbres. Je l’ai choisi parce que j’habite à 200m du stade et de ce segment, donc pendant le confinement c’est là où je m’entrainais. J’ai fait pas mal d’aller-retour sur cette ligne droite et c’était trop bien parce que c’est une très grande ligne droite, j’avais la place pour faire toutes mes séances et c’était vraiment pratique, il n’y avait personne. C’était assez chouette. J’ai passé mes quatre années de collège en face de ce segment et le stade du Moulin Neuf de l’autre côté c’est mon stade de toujours.

Strava a récemment lancé la récompense Local Legend, où est-ce que les gens ont pu t’apercevoir courir le plus souvent ? As-tu déjà eu cette impression d’être le coureur reconnu de ta ville ?
Je suis reconnue, surtout depuis cette année, il y a le magazine de ma ville qui a fait un article sur moi du coup toutes les copines de ma mère me l’ont envoyé, c’est vrai que je suis un peu caractérisée comme l’athlète, la sportive, même dans mon groupe de copines, je suis la sportive ! Pendant le confinement quand je faisais mes lignes droites, il y avait toujours un papi ou une mamie qui promenait son chien en me disant « Vous faites du sport ? », il y a même un chauffeur de bus un jour qui s’est arrêté pour me demander ce que je faisais. Ça intriguait les gens de voir quelqu’un courir à pleine balle sur une ligne droite en plein confinement donc c’est assez cool. Je suis la Local Legend du Moulin Neuf ouais !

Avec ton niveau tu as surement dû ramasser quelques CR sur des segments pendant tes entraînements. Est-ce que c’est quelque chose auquel tu prêtes attention ? Es-tu déjà parti à la chasse aux CR ?
Je n’y fais pas vraiment attention, je regarde surtout ma moyenne par kilo, la progression à chaque kilomètre dans les footings, voir si je finis vite. Mais mon frère est un cycliste, grand utilisateur de Strava et quand je chope un CR je lui dis, je lui envoie un message.

Du coup quel conseil donnerais-tu à ton frère pour battre le record sur ton segment ? Connais-tu quelqu’un qui pourrait te prendre ce segment ?
Bien s’échauffer déjà et le faire vraiment en visant le segment, pas le faire au sein d’un footing. S’échauffer et le faire comme si c’était une course. Il va devoir courir vite pour me le choper. Je pense que ma super copine Clara Liberman pourrait me le prendre parce que je l’ai fait dans une séance spé 800 donc faudrait que j’aille le refaire à pleine balle pour qu’elle ne me le prenne pas ! Le record tout confondu c’est Michaël, il n’est pas très loin mais si je lui prend il va venir me le reprendre derrière, c’est un mec qui fait 1’50 sur 800 !

As-tu des suggestions de clubs ou d’athlètes à suivre sur Strava ?
Déjà il y a le TRC, allez vous abonner au club TRC. Il y a aussi le club Haute-Bretagne Athletisme. Je vais pas dire Alexis Miellouse (Alexis Miellet), il a déjà trop d’abonnés ! Mon frère Arthur Kandissounon ; je dirais aussi Bernard Liberman, le père de Clara, c’est mon premier fan, le premier à m’avoir suivi sur Strava. Il m’a taquiné en me disant « Tu es sur Strava, tu es devenue une demi-fondeuse ! », il court beaucoup c’est un gros seuillard ! Et puis Yakoub, c’est le roi de Rennes, Yakoub D sur Strava.

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