UTMB: Au Coeur de la Course du Siècle

On promettait la « course du siècle » et elle a bien eu lieu. Sous la pluie, le froid et la neige, sous les yeux d'un public sans précédent, Chamonix a accueilli, le week-end dernier, le plus grand spectacle de l'histoire du trail-running. Bien sûr, le sport est sans doute encore adolescent pour de tel superlatif, bien sûr l'UTMB est plus jeune (15 ans) que le plus jeune de ces participants. Mais jamais un ultra-trail n'avait réuni autant de champions et de fantasmes, autant de médiatisation et d'effervescence.

Ce soir-là, il y avait 2300 coureurs sur la ligne de départ, devant l'église de Chamonix. Au premier rang, le ghota du trail au complet, avec un duel aux proportions inédites entre tous les meilleurs européens (François d'Haene, Caroline Chaverot, Xavier Thévenard, Nuria Picas, Pau Capell, Gediminas Grinius...) et une ambitieuse légion américaine (Zach Miller, Jim Walmsley, Tim Tollefson, Stephanie Violett, Dylan Bowman, Magdalena Boulet, David Laney, Kaci Lickteig, Sage Canada...).

Un seul nom était pourtant sur toutes les lèvres. Celui du responsable de toute cette fièvre, l'icône absolue de son sport, Kilian Jornet, de retour sur l'UTMB après cinq ans d'absence. Triple vainqueur (2008, 2009, 2011), le Catalan restait le grand favori. L'homme à battre.

CONFIANCE

Côté américain, un homme intrigue la planète du tail. Il y a quatre ans, Jim Walmsley n’avait encore jamais couru en montagne. Sa première fois remonte à un voyage en France, chez une tante, non loin de Chamonix. A l’époque de ce run initiatique sur les pentes du Mont Joly, l’Américain commence à peine le trail. L’officier Walmsley n’est alors personne dans ce sport, il surveille des missiles nucléaires dans une base de l’Air Force.

Tout va toujours très vite avec Jim Walmsley. Ce phénomène de vitesse est depuis cette année en tête du classement ITRA. Même s’il attend toujours de gagner son premier grand 100 miles, sa confiance est immense.

« Je veux être au sommet de ce sport, je veux gagner l’UTMB » - Jim Walmsley

Le 20 août, un autre américain, Tim Tollefsen s’empare du CR de la montée du Grand Col Ferret, un segment devenu mythique qui termine au point culminant de l’UTMB, à 2517 mètres.
Le lendemain, Jim relève le défi et gravit les 745 mètres de dénivelés en 41 minutes, soit 3 minutes de mieux que le record. Jim va vite, très vite.

« J’aime la transparence. Si je me sens fort, je le dis. Et c’est aussi la raison pour laquelle je met tout sur Strava. Bien sûr, c’est ma première fois ici, je sais que je n’ai pas le plus d’expérience. Mais, je pense être celui qui a fait le plus de miles sur le tracé le mois dernier»
- Jim Walmsley

Après avoir passé juillet dans les montagnes du Colorado, Walmsley est arrivé début août à Chamonix. A dix jours de la course, le coureur de Flagstaff a fait un deuxième tour sur quatre jours, en bouclant l’affaire en à peine 18 heures de course cumulée.

« La première fois que j’ai fait le tour, la course en quatre jours, j’avais les yeux sur mon GPS, mais j’ai quand même manqué des segments » - Jim Walmsley

READY TO ROCK

Vendredi matin, les organisateurs annoncent deux modifications du parcours de l’UTMB. Ils évoquent des chutes de neige et de températures négatives dans la nuit. Le segment technique des Pyramides Calcaires est supprimé, ainsi que le passage final par Tête aux Vents. Une poignée de kilomètres de perdus, mais la course est maintenue. La grande bataille aura bien lieu.

Le soleil s'invite même à quelques minutes du départ. Personne ne manque à l’appel. Chamo-nix s’électrise. A 18h30, le départ est donné sous une clameur unique.

LE JEU DE JIM OU DE KILIAN ?

Dés le départ, trois hommes se détachent. François d’Haene est déjà imperturbable.
Kilian Jornet, qui s’amuse à filmer sur son téléphone les 30 prremières minutes de course (et ça se voit ci-dessous sur l'effort de sa première assencion).
Jim Walmsley, s’empare du CR de la première difficulté, la montée du Delevret. Le comparatif d'effort entre Jim et Kilian montre que la course de Kilian est plus irrégulière. Normal, puisqu'il a pris le temps de ralentir saluer ceux qu'il reoncontrait et prendre des photos. Sympa.

L’Américain descend à son rythme et arrive au premier ravitaillement avec 2 minutes d’avance sur Kilian. Devant un public incrédule, Jim prend calmement la pose devant les photographes. «
Ca va trop doucement », rigole-t-il. « Ca va trop vite », répond Kilian, lorsqu’ils repartent ensemble, tout sourire.

PRÊTS AU COMBAT

Le jour se termine. La pluie soudain s'invite.
Au ravitaillement des Contamines (31 km) Les visages se ferment. Le moment est venu de se préparer à affronter la nuit.

LA COURSE BASCULE

Le premier à Courmayeur, au grand ravitaillement de la mi-course est encore Jim Walmsley. L’Américain soigne ses pieds et, une fois de plus, il attend patiemment François et Kilian. Il semble encore alors incroyablement facile et, dans le Grand Col Ferret, Jim distance le catalan en emmenant le Français.

Au sommet, des températures descendent jusqu'à -10° C et l’histoire, au sommet de la course, peut maintenant basculer.
Avant la course, Jim avait déjà un mauvais pressentiment : « Je déteste cette section vers la Fouly. Il y a un single vraiment très étroit. On ne ne peut pas bien y courir ».
La descente vers la Suisse est en effet fatale à l’Américain. Il perd 6 minutes sur François d’Haene. Et restera de longue minutes au ravitaillement suivant, au bord de l’abandon.

LE TEMPS DES GÉANTS

Samedi, le jour se lève sur des sommets enneigées. Dans la nuit, la tenante du titre, Caroline Chaverot, a renoncé. La première féminine, la Catalane Nuria Picas compte plus de 40 minutes d’avance sur Andrea Huser.

Devant, ils ne sont plus que deux à pouvoir gagner l’UTMB. Les deux plus grand ultra-traileurs de l’époque. En tête, François d’Haene ne faiblit pas et Kilian compte environ 15 minutes de retard.

Le monde du trail a alors les yeux rivés sur l’affrontement final. Avec cette question: Kilian peutil revenir ?

François le Grand

Le suspens s’envole après Vallorcine, dans la dernière montée du jour. Kilian Jornet ne parvient pas à combler l’écart, qui demeure stable autour de 15 minutes.
En 19h01m54sec, François d’Haene remporte son troisième UTMB. Une victoire immense.
Avec trois victoires au palmarès chacun, bon joueur, Kilian lui donne déjà rendez-vous l'année prochaine.

« Même dans la dernière descente, je n’y croyais pas. J’ai failli descendre à fond, en me disant qu’il pouvait se passer n’importe quoi » - François d’Haene

« François a toujours montré beaucoup de classe sur les longues distances, Il mérite énormément cette victoire » - Kilian Jornet

« Dans une course de 100 miles, ce qui compte, c’est ce qui arrive dans les derniers 50 kilomètres » - Tim Tollefson

Déjà troisième en 2016, Tim monte une nouvelle fois sur le podium, avec pour lui aussi un temps historique sous les 20 heures (19:53:00).

« Ce podium est comme un rêve. Mais il n'en reste qu'un Américain n'a jamais gagné. On va se remettre au boulot et revenir, année après année, pour toucher au but. »- Tim Tollefson

Xavier Thévenard termine quatrième. Derrière lui, un coureur est submergé par l’émotion sur la ligne d’arrivée. Au bord du gouffre quelques heures plus tôt, Jim Walmsey reste au bord des larmes, pendant de longues mi- nutes. Son plan a échoué, son estomac a rompu, ses jambes ont lâché. Il est tombé, mais Jim s’est relevé.

« J’ai eu des hauts et des bas. Je suis surtout content d’avoir rebondi. Que mon estomac ait redémarré. Mais ce n’est pas la première fois, je dois résoudre ce problème-là. Je cherche une solution » - Jim Walmsley

Une fois que la poussière s'est installée, six des dix premiers finalistes de l'UTMB de cette année ont partagé leur course sur Strava - ou au moins autant de la course que leurs batteries de montre pourraient gérer. Offrez à ces gars quelques félicitations!