LES VELO-CLUBS FRANÇAIS – 2ème Partie

Un entraînement avec l'Etoile Cycliste de Clermont Ferrand

Depuis quand n’avez-vous pas pris votre mercredi après-midi pour pratiquer une activité sportive ? Depuis le bac, probablement. Nous aussi. C’est donc à un retour en enfance que nous nous apprêtions en arrivant au stade Gabriel-Montpied sous lequel est installé le local de l’Etoile Cycliste de Clermont Ferrand (ECCF).

Derrière la grille du parking, un gamin tournicote autour de petits plots. C’est ce que les entraîneurs appellent le plateau, là où l’école de cyclisme enseigne les bases aux plus jeunes. Il s’agit de petits jeux d’adresse, d’enchaînements de virage ou d’exercices pour apprendre à rouler sans les mains et acquérir ainsi confiance en soi et en sa machine.

Bigarrés, les gamins évoquent une volée de moineaux dans laquelle se seraient insérés quelques échassiers à la poussée précoce. Il y en a des minuscules en survêtement sur lequel ils ont passé leur cuissard hérité d’un frère aîné, d’autres qui s’échinent de leurs jambes frêles sur les vélos prêtés par le club quand certains ont des machines tout carbone que l’on imagine offertes par des pères avec de l’ambition pour deux. Une mini Marion Rousse fait des ravages dans les petits cœurs des Gallopin en devenir, tout en se payant le luxe de leur mettre un tour en course. Une autre tient le rôle de grande sœur et rit des situations. Un pré-ado a le malheur de la chambrer ? Elle se moque en retour de ses cales de VTT. C’est de bonne guerre car tous ont commencé modestement et la course à l’équipement n’est pas un facteur d’exclusion à ce stade.

Nous nous changeons dans un hangar poussiéreux entre deux tondeuses et quelques sacs d’engrais. Le petit-frère d’un apprenti coursier a une envie pressante mais les toilettes du stade sont fermées. L’atelier, lui, est ouvert. Y trainent quelques cadres antiques qui n’auront plus les faveurs de la piste, des cartons de trophées, des pièces détachées en tout genre, des dépliants du club datant de 1993 et une nouvelle pratiquante qui fait changer son câble de frein.

Pour décoller, nous devons attendre Guy Mas, professeur de mathématiques et ancien première catégorie parti chercher les plus grands qui partent d’ordinaire de son domicile près des volcans. Après la destructions du vélodrome du stade Philippe-Marcombes, siège de l’ECCF depuis trente ans, les encadrants ont dû se battre pour avoir accès à ce nouveau local. Situé dans la zone de Clermont-Nord, il est moins pratique pour les parents en charge des conduites et pour les jeunes les plus autonomes, mais le développement des pistes cyclables aux alentours permet aux pelotons de rejoindre les routes peu fréquentées de la plaine.

Devant, les jeux de plateau se poursuivent pour les poussins (7 et 8 ans) et les pupilles (9 et 10 ans). Quelques minimes (13 et 14 ans) ont déjà bien poussé mais sont encore contraints par leur plateau de 46 quand des cadets (15 et 16 ans) moins costauds doivent tirer du 50. Les plus grands piaffent en affectant des mines de pros. Certains se font déjà un nom au delà des courses de pâté de maison. Il leur faudra bientôt accepter les rigueurs monacales du haut niveau s’ils veulent marcher à l’âge où leurs amis succomberont aux charmes alcoolisés de la vie estudiantine. Qui pourrait leur en vouloir de flancher dans ce sport considéré, avec la boxe, comme le plus dur ?

Quand je leur demande ce qui leur a donné envie de se mettre au vélo, ils me répondent « bah, le Tour de France », comme si c’était une évidence. L’autre évidence s’appelle Romain Bardet, bien qu’il y ait là des fans de la FDJ qui en suivent chaque coureur sur Strava. Bardet est le régional de l’étape. Les plus jeunes le guette à la télévision, les plus grands le croisent dans les cols ou dans les concerts, et les plus âgés ont tous rencontré son père sur les courses ou en formation.

Guy arrive et la troupe se met en marche, deux par deux et personne pour doubler de front. En quelques kilomètres, nous rejoignons les petites routes de plaine. Les entraîneurs veillent au grain mais laissent leurs élèves prendre leurs responsabilités à l’avant. Depuis l’école de vélo, ils leur ont inculqué les règles de sécurité. C’est primordial en groupe, mais aussi pour leur pratique personnelle, ne serait-ce que pour ceux qui doivent venir et rentrer par leurs propres moyens malgré le manque de piste cyclables en ville.

- T’es de mauvais conseil, j’aurais dû me mettre en court, dit Axel, actuellement en terminale, à son pote Adin.
- Faut être en long si tu veux t’affuter, lui rétorque ce dernier en bouchant le trou laissé par un benjamin.

Le groupe reste compact jusqu’à une crevaison qui s’éternise. C’est la scission. Les juniors, les cadets et les plus costauds des minimes partent prendre des relais avec Guy et Tom, leurs entraîneurs habituels. Nous les suivons. Ils connaissent les routes par cœur et chaque croisement leur rappelle une course, une dérouillée ou une échappée victorieuse. Quand vient notre tour en tête, Tom n’hésite pas à nous reprendre comme si nous étions ses élèves. « Serrés les coudes ! Faut qu’ils frottent au niveau des fesses. »

La pluie s’en mêle mais ne freine pas les ardeurs pour la gloire d’une pancarte. Adin gagne et lève les bras en entrant dans le village. Nous profitons de la récupération pour discuter avec Axel qui a commencé le vélo un an plus tôt, après s’être blessé en athlétisme. Au lycée, ses amis trouvent sa passion plutôt cool, même s’il doit se raser les jambes. Du côté familial, son père s’amuse à suivre ses performances sur Strava en même temps que celle des pros. « Moi je suis surtout fan de Rudy Mollard, mais je suis abonné à tous les coureurs de la FDJ. »

Sur le chemin du retour, Tom nous parle de ses nouvelles fonctions d'entraîneur qu’il doit conjuguer avec son métier de mécano chez les Cycles Victoire, ses entraînements et ses nombreux jours de course en deuxième catégorie. A 23 ans, c’est le plus jeune des douze entraîneurs du club, ce qui le place dans un rôle de grand frère auprès des juniors qu’il encadre. Il a commencé le vélo au même âge, cet âge de l’émancipation qui est aussi celui auquel on a le plus besoin de repères. Un grand frère plus sage peut alors être précieux lorsqu’il s’agit de savoir placer ses coudes, ses attaques ou ses pions pour l’avenir.

Comme les autres, il a passé son diplôme auprès de la FFC et fait cela bénévolement. L’histoire de l’Étoile Cycliste de Clermont-Ferrand est finalement celle de toutes les écoles de vélo : des adultes qui se donnent du mal et conjuguent avec le manque de soutien des infrastructures pour transmettre leur passion à des jeunes en préservant leur part d’innocence. Malgré la somme d’efforts et tout ce temps offert, voir ces jeunes marcher a quelque chose de jubilatoire, même au plus petit niveau. Et quand les places d’honneur se font plus régulières, il y a alors la lueur d’espoir de voir naître un champion comme il en arrive un tous les trente ans et d’y être pour quelque chose. Il s’agit parfois d’un peu de temps donné avec une fidélité hebdomadaire, ou bien d’un vélo prêté à celui qui n’en avait pas les moyens, ou encore d’un encouragement, d’une présence ou du plaisir de transmettre ces quelques histoires qui allument l’étincelle de ce qui pourrait devenir un jour le firmament d’un sport qui se renouvelle.

L’Étoile Cycliste de Clermont-Ferrand en quelques chiffres :

- 27 novembre 1937 : date de création du club
- 150 licenciés dont 30 UFOLEP et 40 en cyclisme artistique
- 3 licenciés féminines
- 20 bénévoles dont 12 encadrants
- Le club organise quatre courses majeures : Le Circuit des Communes de la Vallée du Bédat et la Durtocchat en élite, le Grand Prix Cycliste de l’Ambassadrice de Montferrand et le Prix de la Municipalité de Servant pour les écoles de vélos


Suivez le club sur Strava.

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LES VELO-CLUBS FRANÇAIS – 1ère Partie

La section cyclo de l’AS Meudon & le rallye du Toboggan Meudonnais.