Quand la ville dort
Paris, à 5h, un dimanche matin ne s’éveille normalement pas. Paris à cette heure dort profondément car, Paris, même si elle est la ville la plus dense d’Europe, est une ville qui sait s’arrêter parfois au point d’en devenir étrangement paisible. Or, ce matin là, c’est le jour du marathon et, les coureurs qui s’étirent en s’aidant des bars centrales des rames de métro croisent les fêtards titubants. Ils se saluent, car un fêtard, même imbibé, a conscience de ce qui les attend. Tous les parisiens connaissent le marathon bien sûr, certains râleront car ils ne pourront pas se déplacer comme ils ont l’habitude mais, pour 49 155 autres et leurs proches c'est l'événement de ce début de printemps. L’organisation a envoyé un texto à tous les participants pour les prévenir qu’il fera frais au départ et, qu’il convient de s’équiper chaudement, tout sauf avec du plastique. On apprécie. Les Champs-Elysées se remplissent à une vitesse folle mais de manière relativement ordonnée. Il y a moins d’attente qu’au Franprix aux heures de pointe. ASO, qui organise l’événement sait faire. Il sont organisateur du Tour de France, les Champs n’ont donc aucun secret pour eux. Un soleil rouge sort de l'horizon venant réchauffer les coureurs sur la ligne de départ, une longue ligne droite de petits pavés filant sur la Concorde laissant l’Arc de Triomphe dans leur dos.Le marathon de Paris ne fait peut être pas partie des 5 majeurs mais il est majestueux. Le parcours traverse la ville d’est en ouest rejoignant les deux poumons de la ville, les deux plus grans bois, celui de Vincennes et celui de Boulogne. Il passe comme un ballet autour de l’Opéra Garnier, longe le Louvre, transperce Bastille, investit les quais rasant la Seine, dont la fermeture définitive aux voitures aura fait couler beaucoup d’encre, pour se prolonger vers une série de toboggans cassant menant aux beaux quartiers et au bois de Boulogne. Pour celles et ceux qui viennent d’ailleurs, le Schneider Electric Marathon de Paris est l’occasion de faire une très belle visite et, pour les locaux une façon unique d’appréhender leur ville habituellement prise d’assaut par les voitures. Tout cela suffit pour placer cette épreuve parmi les plus belles au monde mais, se cantonner au simple aspect touristique serait faire l’impasse sur l’experience unique que procure la course. Les premiers hectomètres sont loin d’être la cohue sur l’avenue la plus large du monde, la rue de Rivoli attire les lève-tôts, les pompiers des différents arrondissement et grands amateurs de course à pied on le sait, sont de sortie. L’excursion dans Vincennes relève plus de la chevauchée solitaire, c’est le moment de faire le point sur sa forme du jour, on commence à se faire des compagnons de rythme. Pour le retour dans Paris, dès Porte de Charenton avec un semi dans les jambes, l’heure est aux retrouvailles avec un publique cette fois massif qui ne ménage pas ses encouragements et se resserrant au point de laisser la place juste suffisante pour laisser passer un courreur. Pour certain c’est insignifiant pour les coureurs il y a un air d’Alpe d’Huez. La ferveur s’installera sur toute la traversée de la capitale et le moindre visage d’un ami, de sa famille ou d’un inconnu, est, pour beaucoup, une tape de plus dans le dos.
Pour illustrer ce Marathon de Paris, nous avons fait appel à Yann Stofer, photographe pour Le Monde Magazine et dont les travraux sont récement entrés dans la Collection Hermès de photographies contemporaines.