Des pelotons venus du tout Paris et de sa périphérie

Les premiers ont surgi du brouillard tels des fantômes de Don Quichotte : fins comme le sont les coursiers et plutôt silencieux, mais on n’en demande pas plus aux gens qu’on vient de tirer du lit. D’autres suivaient et, très vite, les unités ont fait place aux dizaines. Des pelotons déjà formés venus de Bastille, de République, de tous les coins de Paris et de la périphérie, et même Marseille, la preuve que l’événement fait du bruit. Les nouveaux visages se mélangent à ceux des habitués. Trois cents cyclistes selon les chiffres en se fiant au registre des inscrits. La très grande diversité des profils est la chose qui saute aux yeux en premier : des garçons et des filles, de tous les âges, de tous les styles, de tous les caractères, taiseux ou bien extravertis. Diversité aussi du soin qu’on porte à ses affaires en y regardant de plus près, et de la hauteur de ses investissements, là ne se situe pas l’essentiel.

Pour ce premier Challenge de l’année, nous avions fixé le départ devant l’un des hauts lieux historiques du Cyclisme parisien trop longtemps oublié : le vélodrome Jacques Anquetil qui se niche dans dans le Bois de Vincennes. Pour l’anecdote, c’est sur sa piste en béton que Merckx a bouclé ses cinq victoires sur le Tour de France. Un sacré monument quand même…

Organisateurs et partenaires arrivés les premiers comme il sied : vélos Time et vêtements Louison Bobet. Il n’est pas tout à fait 8h et le jour hésite un peu à se lever. Le bois plongé dans la brume offre un décor du genre plutôt fantastique. Le temps est frisquet mais pas de pluie, ce qu’on peut aisément traduire pas beau temps en considérant le risque qu’on prend à vouloir faire du vélo en plein mois de janvier.

Addiction: la loi des séries

Le Classics Challenge Paris lance sa deuxième saison et ce premier épisode met le cap à l’est, vers Provins et ses remparts du Moyen-Âge. Chaque Challenge revisite une course ancienne ayant existé au départ de Paris. Des « Classiques » comme on dit. Le cyclisme est un sport de mémoire et il aurait été dommage de laisser ces pans-là dans l’ornière de l’oubli. Comme à l’époque, le départ se fait toujours de Paris, le plus souvent du KM0, en direction d’une autre ville. Les retours se font en train pour la majorité des participants, mais quelques-uns poussent le vice (et le plaisir) jusqu’à revenir à vélo

De l’avis général, le bilan de la première saison est plus qu’encourageant, c’est ce qu’on appelle un euphémisme. De l’idée on est passé en quelques mois à un nouveau genre de Club qui compte déjà plus de 2 000 membres et presque aussi « addicts » que devant une bonne série TV. Par certains aspects, il y a d’ailleurs de ça, ce mécanisme qui pousse à  tout de suite vouloir connaître la suite. À lire les posts et les commentaires sur notre Club Strava, les participants partagent des moments forts grâce à des itinéraires d’une beauté exceptionnelle, à l’absence de bagnoles, au savant mélange entre performance et convivialité, aux rencontres au fil de la route et au plaisir partagé jusqu’à la bière de l’arrivée. Et puis….d’un coup, on arrête tout. Jusqu’au mois suivant. Comme dans les séries, à l’époque où Netflix n’existait pas et qu’il fallait attendre. À peine le Challenge fini vient la hâte de découvrir la destination suivante. Et ainsi de suite. Au point que cette saison comptera onze Challenges, contre seulement sept l’an dernier. Avec l’idée que le vélo n’est pas réservé aux beaux jours et qu’il peut nous offrir des plaisirs tout le long de l’année.

Devant, ça s’astique. Derrière, le plaisir autrement

Pourtant, le Classics n’est pas une course et c’est sans doute ce qui le différencie des évènements traditionnels. Et, glissons-le ici, tout ça est entièrement gratuit et repose sur le soutien des partenaires qui rendent possible cette expérience hors normes. Les participants  ne viennent pas pour l’aspect compétition, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’y est pas question de performance. Par la distance déjà : un peu plus de 100 kilomètres en hiver jusqu’à plus de 200 en juillet. Une surprise est même annoncée avec une édition rallongée. Le format n’est donc pas tout à fait pour les vrais débutants. Dans la pratique, en s’inscrivant tous les présents choisissent leur allure comme ça se fait sur les épreuves de running. Les plus rapides s’élancent en premier en visant une moyenne supérieure à 35 kilomètres à l’heure, à eux de gérer leur affaire, personne ne viendra pour les contrôler. Pas de fléchage au sol. Les parcours sont chargés de Strava sur les GPS et les départs s’échelonnent tous les quart-d’heure, avec des groupes de moins en moins motivés par la vitesse. À les regarder partir, on se dit que le Classics est sans doute le seul événement cycliste de France où se croisent presque toutes les familles du vélo, des coursiers, des cyclo-sportifs purs et durs aux cyclo-touristes familiers des BRM et arborant fièrement le maillot de leur club, en passant par la branche plus branchée venue au vélo par le fixie, habituée des alleycats. Par-delà les différences, tous ces mondes se mélangent joyeusement dans les pelotons. Et pendant que ça s’astique devant, derrière le plaisir se décline autrement : on discute, on rit, les amateurs font des images, les artistes créent, on prend le temps de s’arrêter pour un café ou pour dévaliser une boulangerie, on fait des rencontres, on crée des liens. Et pour attester que le Challenge est complété, il suffit simplement de charger son activité via son compte Strava et le tour est joué.


Vidéo par Guillaume Farges

Rendez-vous le mois prochain !

À chacun selon ses envies, donc, et une devise – Liberté, Gratuité, Fraternité – qui résonne un peu plus qu’un slogan. Pris par l’élan, on a failli ajouter qu’il y a rien à gagner ici, du fait que ce n’est pas une course. À y réfléchir, rien n’est moins sûr, de beaux souvenirs ça n’est déjà pas rien. Ces petites routes non plus qui se dégustent de la roue avant. Et les coups de cul en haut desquels on s’arrêtera pour attendre le groupe ou c’est le groupe qui nous attendra. Toute cette géographie que l’on croyait connaître et que l’on découvre chaque fois qu’on l’éprouve, de plateaux en vallées, de champs ouverts en forêts, de blés en vignes jusque dans la brume où surgit l’éclaircie. Le panache se déploie sous toutes ses formes : l’abri donné, la roue réparée, la nourriture partagée, on se revaudra ça le mois prochain. Et peut-être dans d’autres villes. Et pourquoi pas dans d’autres pays, on peut rêver qu’un tel concept puisse un jour essaimer. Le vélo est comme la vie, en un peu plus concentré, il nous entraîne sans cesse vers notre prochain projet.

> Rejoignez le club Classics Challenge
> Incription officielle sur classics-challenge.cc