Alors que la saison cycliste professionnelle reprend enfin et que le Tour de France approche, les fans de vélo se disent, à juste titre, « mieux vaut tard que jamais ».

Si plusieurs des cols les plus emblématiques – dont le Tourmalet, le Galibier, l’Alpe d’Huez et le Mont Ventoux – peuvent être absents de l’itinéraire 2020, il reste encore plusieurs milliers de mètres à gravir et chaque col a des histoires d’ascensions héroïques ou d’épisodes moins glorieux à raconter.
Ce sera certainement un Tour passionnant – les nouvelles ascensions apportent des surprises – et, qui sait, avec autant de membres du peloton sur Strava, peut-être que de nouveaux épisodes de légende seront enregistrées pour la postérité en 2020. En attendant, lisez la suite pour une plongée dans les décennies d’histoires et de statistiques que cette course historique a à offrir.

1. Col d’Èze (Étape 2)

Bien que le Col d’Èze soit la plus petite ascension catégorisée de la deuxième étape du Tour sur la Côte d’Azur, c’est la plus célèbre pour les cyclistes. Démarrant presque au centre de Nice, la Grande Corniche complète s’élève à environ 500 m en direction du Col d’Èze, quasiment depuis le niveau de la mer et sur 10 km. Elle offre une vue imprenable sur la Méditerranée à presque chaque virage, tandis que les Alpes Maritimes se dessinent à l’horizon à partir d’une certaine hauteur.

La route est surtout célèbre pour être l’emblématique étape de clôture de Paris-Nice, la « course au soleil », qui a lieu en mars. Entre 1969 et 1995, Paris-Nice se terminait chaque année par un contre-la-montre en montée jusqu’au col, sauf lorsque des glissements de terrain avaient bloqué la voie en 1977. Le CLM a été remporté par la légende irlandaise Sean Kelly à cinq reprises, pour un record de sept victoires sur cette course d’une semaine.
Bradley Wiggins détient désormais le record de Paris-Nice en 19’12”, après avoir battu en 2012 les 19’45” de Kelly, qui tenaient de longue date. Si vous interrogez les experts, ils vous diront tous que la partie raide de la pente commence dès le premier kilomètre.

Le coureur d’Ag2R-La Mondiale Romain Bardet, qui possède une maison dans la région, détient actuellement le KOM Strava sur ce segment très concurrentiel.

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2. Orcières-Merlette (Étape 4)

La première arrivée au sommet du Tour intervient tôt dans l’édition 2020. Elle aura lieu à 1825 m d’altitude dans la station de ski d’Orcières-Merlette. C’est la première fois depuis 1989 que l’ascension est au programme. Cette année-là, c’était un contre-la-montre sur la montée de 7,1 km à 6,7 %, remporté par le Néerlandais Stephen Rooks. L’Américain Greg Lemond – de retour de convalescence après un accident de chasse – portait le maillot jaune, en route vers sa deuxième victoire sur le Tour.

Néanmoins, la montée est surtout connue pour l’édition de 1971. Plus tôt dans ce Tour, l’Espagnol Luis Ocaña avait tiré un coup de semonce sur la proue du tout-puissant Eddy Merckx, le battant de 15 secondes dans la montée du Puy de Dôme. Après avoir subi un incident mécanique, un changement de vélo, une petite chute et une longue chasse pour retrouver le peloton lors de l’étape de la veille, Merckx était fatigué. Quand Ocaña a attaqué à 177 km de la fin de l’étape, il a distancé Merckx puis ses compagnons d’échappée, et a atteint l’arrivée au sommet à Orcières-Merlette plus de huit minutes avant le Belge, s’emparant du maillot jaune dans la foulée.

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3. Mont Aigoual (Étape 6)

À 1 567 m, la route du Mont Aigoual est la deuxième plus haute des Cévennes, une région de collines et de montagnes densément boisées du centre-sud de la France. Le sommet – qui est bien le sommet de la montagne – ne figure pas souvent au programme du Tour, mais lors de l’édition de 1960, l’un des plus brillants espoirs du cyclisme français, le champion national Roger Rivière, a chuté dans la descente via le col du Perjuret. Gravement blessé, il a été soigné dans son lit d’hôpital par une autre star française, son ami Raphaël Géminiani, mais Rivière n’a plus jamais marché.

Le Mont Aigoual est également célèbre pour certains amateurs de cyclisme car il figure dans The Rider, le roman de l’écrivain néerlandais Tim Krabbé. Celui-ci raconte l’histoire du « Tour du Mont Aigoual », une course fictive qui passe par cette montagne et descend dans les gorges environnantes. C’est l’une des représentations les plus intenses et les plus vraies de la course de vélo sous forme de livre, et le parcours est si difficile et pittoresque que de nombreux cyclistes l’ont cartographié et ont parcouru la boucle en forme de huit.

Plusieurs approches du Mont Aigoual font près de 30 km de long, généralement sur des pentes faciles. Cette année, la course arrivera par le Col de la Lusette. Bien que le segment officiel de l’Aigoual sur la course ne fasse que 8,3 km de long, les coureurs auront déjà grimpé un bon 35 km avant le sommet. https://www.strava.com/segments/21746917

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4. Col de Menté (Étape 8)

S’il n’y avait eu la malchance, Luis Ocaña aurait remporté le Tour de 1971 (voir Orcières-Merlette, ci-dessus, pour en savoir plus sur Ocaña et son rival Eddy Merckx). Cela s’est passé sur le Col de Menté, un col de 1349 m dans les Pyrénées centrales qui, en 2020, arrive à mi-chemin de l’étape 8. Sur 11 km, il monte de 709 m et, après une courte descente d’environ un tiers du chemin, on trouve une belle pente douce jusqu’au sommet.

En 1971, Eddy Merckx refusait d’abandonner malgré son retard au classement général et cherchait à récupérer le temps perdu. Un jour de pluie, dans les Pyrénées, il choisit le Menté pour attaquer, mais en descente. Dans un lacet humide, Merckx a glissé. Ocaña, qui le suivait, également. Mais alors que Merckx a pu repartir, Ocaña a été frappé par derrière par plusieurs poursuivants alors qu’il remontait sur son vélo. Il a été transporté à l’hôpital par avion et aurait tout donné pour se battre encore un jour, mais son Tour était terminé.

En 1973, quand Ocaña a finalement remporté le Tour, Merckx n’y participait pas – ce qui aurait déçu l’Espagnol : « Tout était panache et la manière dont il gagnait comptait », a commenté Bernard Thévenet, un autre vainqueur du Tour. « C’était un vrai torero. Et il n’était heureux que lorsque le taureau était mort, et bien mort. »

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5. Col de Peyresourde (Étape 8)

Plus tard dans l’étape 8 de cette année, courte et accidentée, on trouve le Col de Peyresourde. Selon les statistiques officielles du Tour, il mesure 9,7 km pour une pente moyenne de 7,8 %. En termes de taille, on est donc loin des sommets, mais en termes d’histoire, il est sans égal.

Avec ses 1 569 m, le Peyresourde fut le premier col de la toute première étape de haute montagne de l’histoire du Tour de France, qui reliait Luchon à Bayonne en 1910.

Ce jour-là, le Peyresourde figurait au menu avant le col d’Aspin, le vilain Tourmalet et le col d’Aubisque, ainsi que le relativement petit col d’Osquich. Avec un départ à 3h30 du matin pour l’étape de 326 km, les coureurs auraient gravi la Peyresourde dans le noir. Le premier homme à passer fut Octave Lapize, l’éventuel vainqueur d’étape qui, au sommet du Tourmalet, aurait crié « Vous êtes des assassins ! » aux organisateurs de la course.

Traversant de magnifiques pâturages pyrénéens, le Peyresourde a figuré 50 fois au parcours depuis la Seconde Guerre mondiale. Tout héro ou battu du Tour aura grimpé vers la gloire ou la défaite sur ses pentes. C’est aussi un bon endroit pour faire la fête. Les années normales, les pistes sont couvertes des drapeaux orange des fans basques, venus de l’Espagne voisine pour encourager leurs coureurs préférés.

Romain Bardet d’AG2R est également le détenteur de ce KOM Strava.

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6. Col de Marie-Blanque (Étape 9)

Le col de Marie-Blanque est une route étroite et sinueuse qui est étonnamment raide par endroits, n’en déplaise à sa pente moyenne de 8 %. C’est loin d’être le coup de cœur des coureurs professionnels car c’est une montée difficile, mais jamais celle qui marque la fin d’une étape. Ils savent que lorsqu’elle est au programme, ce sera une longue et dure journée en selle. C’est l’endroit idéal pour épuiser vos adversaires en vue d’une grosse attaque plus tard.

Depuis son introduction au Tour en 1978, il a été grimpé 15 fois, et les grimpeurs de légende, dont Pedro Delgado, Luis Herrara et Richard Virenque, ont franchi le col en tête. Il a été présenté pour la dernière fois en 2010, quand Andy Schleck a remporté l’étape en battant Alberto Contador au sommet du Tourmalet.

Le KOM Strava du col de Marie-Blanque est actuellement détenu par le coureur professionnel australien Jack Haig, qui a remporté le titre lors de la Vuelta 2016, lorsqu’il courait pour Orica-Scott.

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7. Col de Ceyssat (Étape 13)

Le col de Ceyssat s’élève de quelques 600 m de la ville de Clermont-Ferrand (le berceau des pneus Michelin), jusqu’à une hauteur de 1078 m, en serpentant à travers des forêts tranquilles sur un tarmac des plus lisse. Les pentes inférieures sont raides mais elles se calment ensuite et deviennent plus agréables, pour une pente moyenne de 6,1%.

Ce n’est pas la montée phare de cette étape – le difficile combo final du Col de Néronne et du magnifique Pas de Peyrol s’arroge cette distinction – mais c’était autrefois une ascension majeure. Presque à la fin, une route secondaire mène au sommet du Puy de Dôme, le plus célèbre sommet de la région. C’est l’un des nombreux volcans éteints de la région. On y trouve les ruines d’un temple romain ainsi qu’une tour de communication qui domine la ville en contrebas.

Les pentes supérieures du Puy serpentent sur 4 km à 12 % et ont été le théâtre de certaines des batailles les plus légendaires de l’histoire du Tour. C’est là, en 1964, qu’a eu lieu un duel d’anthologie entre les Français Jacques Anquetil et Raymond Poulidor (qui était d’ailleurs le grand-père de Mathieu Van der Poel ). Le premier était un nordiste impérieux à l’allure aristocratique, le dernier, un type rustique et dur au mal. Anquetil allait être le premier à remporter le Tour cinq fois et Poulidor connu comme l’éternel second (il a souvent failli y parvenir mais n’a pas gagné le Tour une seule fois). C’est néanmoins ici qu’ils se sont battus coude à coude, ne laissant pas savoir à quel point ils souffraient, jusqu’à ce que Anquetil craque finalement, moins d’un kilomètre avant la fin. De nos jours, le Puy est fermé aux cyclistes, à l’exception d’un événement spécial une fois par an.

Qui d’autre que Romain Bardet – originaire de cette région, également champion et chasseur de KOM – pourrait détenir le KOM Strava du col de Ceyssat ?

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8. Col de la Madeleine (Étape 17)

Le col de la Madeleine, dans les Alpes, est l’un des vrais gros morceaux du Tour, en taille comme en réputation. C’est peut-être le seul de son espèce à figurer au parcours cette année. L’itinéraire classique, depuis le village de La Chambre, fait 19,2 km pour 1522 m de dénivelé et mène jusqu’à 2000 m d’altitude. Certains panneaux indiquent 2001 m, et c’est en effet la seule étape à franchir cette barrière mythique – une rareté pour le Tour – ce qui est probablement un mal pour un bien car à 2000 m dans les Alpes en septembre, le temps peut devenir aussi froid qu’imprévisible. L’ascension finale de cette étape, le Col de la Loze, atteint les 2304 m, mais la course n’y est encore jamais passé car il a été bitumé spécialement pour cette édition !

Cette année, le Tour grimpe la Madeleine sur une route secondaire, la plupart du temps calme et pittoresque. Plus raide aussi. Néanmoins, en 2010, sur la voie classique, la Madeleine a vu l’affrontement d’Alberto Contador et Andy Schleck, deux des meilleurs grimpeurs de ces dernières années. Contador était en jaune, Schleck voulait son maillot, et tous deux cherchaient à éliminer Cadel Evans de la course au classement général. Evans, qui souffrait d’un coude cassé, a craqué sur la Madeleine et a terminé la journée en larmes, avant qu’il ne revienne plus fort l’année suivante et ne gagne le Tour 2011. Curieusement, Contador et Schleck ont tous deux « remporté » l’édition 2010. Contador a porté le maillot jaune jusqu’à Paris, mais plus tard dans l’année, on lui a découvert une substance interdite dans le sang. Il a finalement été dépouillé de son Tour, qui a été attribué rétroactivement à Schleck.


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 9. Montée du Plateau des Glières (Étape 18)

Cette ascension n’a figuré au parcours du Tour pour la première fois qu’en 2018, mais elle a instantanément mérité le titre de classique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le plateau des Glières était une ligne d’approvisionnement vitale pour les groupes de résistance locaux. Parce qu’il était si haut et inaccessible (à l’ennemi), c’était le site de parachutages des avions alliés. L’un a même contenu 45 tonnes d’armes.

Ces jours-ci, la route qui monte là-bas est encore terriblement raide : 6 km à 11,2 %. Quand elle se stabilise après un monument à la mémoire de la Résistance, la route qui traverse le plateau se transforme en piste de gravier jusqu’au col .

La star française Thibaut Pinot s’est clairement entraînée sur cette ascension : il y a pris le KOM Strava le 19 juillet 2020, alors faites attention à lui pendant la course !

Si vous voulez parcourir les belles routes et les pistes d’altitudes présentées tout au long de cette étape, La Résistance vous fera emprunter certaines des meilleures avec votre gravel.

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10. La Planche des Belles Filles (Étape 20)

Le Tour a-t-il gardé le meilleur pour la fin ? Jusqu’en 2012, la Planche des Belles Filles n’était qu’une route – 5,9 km à 8,5 %, avec des rampes de 15 % et plus – jusqu’à une station de ski des Vosges, au nord-est des Alpes. Mais en 2012, Chris Froome, alors relativement inconnu, a pris quelques longueurs d’avance sur son coéquipier Bradley Wiggins, le laissant avec Cadel Evans sur les 23 % des dernières pentes, pour aller remporter la victoire d’étape. A-t-il négligé son rôle ou avait-il le droit d’aller chercher la victoire après avoir travaillé loyalement tout au long de l’étape ? Froome et Wiggins ont eu une relation difficile, donc la réponse n’est pas simple !

En 2017, Froome n’a pas gagné sur La Planche – la victoire est allée à l’Italien Fabio Aru – mais il y a pris le maillot jaune. L’année dernière, le Belge Dylan Teuns a gagné sur une version longue de la montée qui s’est terminée en gravel.

Pendant le Tour de cette année, il pourrait encore y avoir de quoi se battre sur l’avant-dernière étape, un contre-la-montre de 36 km qui se termine au sommet de La Planche.

L’ancienne professionnelle Carlee Taylor a remporté le QOM Strava  en 2012, pendant la course à étapes de la Route de France. Quant au KOM, il  appartient à… vous l’avez deviné, Romain Bardet !

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